Charging up for Finland trip
Joicho Ito
Charging up for Finland trip
par Joicho Ito
13 juin 2003,
site web http://joi.ito.com/
Charging up for Finland trip
par Joicho Ito
13 juin 2003,
site web http://joi.ito.com/
Le téléphone-photo, que l'on garde toujours à portée de main, transforme l'acte photographique. Sa disponibilité permanente favorise une forme d'attention diffuse qui rend le regard sensible aux moindres détails du quotidien. Son ergonomie [ ? ]
Le déclenchement des téléphones-photo se fait non plus avec l'index mais avec le pouce. La disposition de la main est donc plus aisée qu'avec un appareil photo. De plus, l'écran LCD du téléphone-photo, introduit un rapport différent à l'objet visuel : avec l'écran LCD, l'image est captive entre les mains du photographe tandis qu'avec le viseur de l'appareil photo, c'est le regardeur qui est captif de l'image-lieu, projeté hors de son corps. Enfin, le téléphone-photo est un outil que l'on porte toujours avec soi, ce qui banalise le passage à l'acte photographique. Le moindre détail du quotidien devient matière à image
aussi, induit un autre rapport au corps, plus intime. Mais l'usage combiné du téléphone-photo [ ? ]
Nouvelle génération de téléphones portables munis d’un objectif et d'un dispositif de capture et de mémorisation permettant de réaliser des photographies numériques que l'on peut envoyer (télé-décharger), dans la minute qui suit la prise de vue, vers un autre téléphone photo, ou un serveur web. Il s'agit là d'un de ces nouveaux outils à tout faire, qui comme les couteaux suisses, combinent plusieurs fonctions. Tout juste sortis de la phase expérimentale, ces produits sont actuellement en plein essor, et leur usage, encore sujet à mutations. En octobre 2003, la courbe de vente des téléphones-photo a dépassé celle des appareils photo numérique, et le marché des téléphones-vidéo entame sa percée.
avec des solutions logicielles d'édition en ligne telles que les weblogs [ ? ]
(blog, carnet web ou journal web) : page web dont les entrées sont datées et placées dans un ordre chronologique inversé. A mesure que les entrées (ou billets) se superposent, les plus anciennes sont archivées. Avec la simplification des systèmes d'édition en ligne à la fin des années 90, l'usage des blogs s'est répandu chez les non informaticiens. Les usages en sont fort variés : journalisme, veille technologique, information spécialisée, journal d'humeur et d'opinions, journal intime, éducation, et depuis peu, les blogs de campagne politique. Les blogs dits " vivants " ont une fréquence de mise à jour quasi quotidienne. Certains sont bien plus actifs. Même s'il existe nombre de blogs collectifs, le blog reste surtout un lieu d'expression individuelle. Cependant, l'abondance de liens ouvrant vers d'autres sites, ainsi que les champs de commentaire souvent associés à chaque entrée, permettent d'en faire des lieux ouverts. Des petites communautés se forment ainsi au gré des fréquentations virtuelles. Les blogueurs développent souvent un style subjectif. L'écriture se veut généralement concise et rythmée.
et les moblogs [ ? ]
blog que l'on peut éditer et mettre à jour par SMS ou MMS à partir de communications mobiles sans fil (ordinateur ou téléphone portable munis d'une connexion wifi, wap, GSM ou GPRS)
est susceptible d'accélérer l'évolution de notre rapport à l'image.
N'est-il pas singulier que ces outils qui dissèquent l'intimité ordinaire au jour le jour, soient aussi ceux qui la portent aux yeux du monde entier ? Que disent ces nouveaux regards qui semblent disposés à accueillir le monde plutôt que préoccupés de le façonner ?
Un premier butinage dans une centaine de photo-moblogs [ ? ]
Dans sa forme la plus condensée, c'est le résultat de l'usage combiné du moblog et du téléphone-photo. Le photo-moblog serait un album photo en ligne, classé selon une chronologie inversée, dans lequel la date et l'heure de publication des images correspondraient à peu de choses près à la date de capture des images. L'intérêt du photo-moblog est de pouvoir publier des images depuis n'importe quel lieu dans les minutes qui suivent leur prise de vue. Pourtant, ne serait-ce qu'en raison d'incidents techniques de connexion, aucun photo-moblog ne peut correspondre rigoureusement à ces caractéristiques. Par ailleurs, en se banalisant, le photo-moblogging est appelé à devenir une simple fonction supplémentaire dans l'édition d'un weblog. Les premiers photo-moblogs sont apparus au Japon et en Corée du Sud au tournant de l'année 2002/2003, aux Etats Unis, au printemps 2003, et en France en Juillet 2003.
laisse apparaître quelques aspects dominants. Le plus remarquable est la résurgence de traits ou de thèmes propres aux vanités, les dénotations du temps et de la fugacité y tenant une place prépondérante. Discontinu et chaotique, mais rivé à la chronologie inversée des weblogs, le photo-moblog ignore le classement objectif et thématique des albums photo en ligne. L'univers qui s'y esquisse se prête aussi peu à la construction narrative qu'à l'exhibition corporelle des webcams personnels. Enfin, à la différence du photo-blog, il affiche volontiers une certaine nonchalance pour la qualité plastique, au profit de l'effet d'immédiateté qui authentifiera la "Vraie vie".
Mais la véritable originalité des photo-moblogs résulte du choc de deux mouvements : ouverture publique sur le web, et confinement à la sphère privée. Malgré leur incroyable profusion, ces ribambelles d'images gardent un fort pouvoir de fascination, pouvoir qui n’est pas sans rappeler ce que Roland Barthes reconnaît comme un troisième sens ou "sens obtus" dans l'expérience esthétique. [ + ]
Roland Barthes, L’obvie et l’obtus, essais critiques III, Seuil, points, 1982, p.45 : « Quant à l’autre sens, le troisième, celui qui vient « en trop », comme un supplément que mon intellection ne parvient pas à bien absorber, à la fois têtu et fuyant, lisse et échappé, je propose de l’appeler le sens obtus.»
Ces images résistent à la généralisation et à l'indifférence, car elles se rapportent aux contingences particulières d'un vécu, contingence soulignée par l'importance de l'ancrage temporel des images dans le contexte éditorial des photomoblogs. Que l'altérité puisse se rencontrer dans l'étalage de la banalité est bien le tour de force auquel excellent les photomoblogs.
L'analyse qui suit se limite à l'étude d'une image provenant du photo-moblog de Joichi Ito qui a été un des premiers à mettre en œuvre l'usage combiné du téléphone-photo [ ? ]
Nouvelle génération de téléphones portables munis d’un objectif et d'un dispositif de capture et de mémorisation permettant de réaliser des photographies numériques que l'on peut envoyer (télé-décharger), dans la minute qui suit la prise de vue, vers un autre téléphone photo, ou un serveur web. Il s'agit là d'un de ces nouveaux outils à tout faire, qui comme les couteaux suisses, combinent plusieurs fonctions. Tout juste sortis de la phase expérimentale, ces produits sont actuellement en plein essor, et leur usage, encore sujet à mutations. En octobre 2003, la courbe de vente des téléphones-photo a dépassé celle des appareils photo numérique, et le marché des téléphones-vidéo entame sa percée.
et du weblog en décembre 2002.
Une petite image dans le www
Quel sens accorder à cette photographie trouvée sur le web ? Est-ce une publicité ? Raconte-t-elle une histoire ? Témoigne-t-elle d'un nouveau genre artistique ou n'est-elle qu'une transposition des vanités [ ? ]
On peut définir comme vanités, toutes les œuvres qui interrogent la valeur de la vie depuis un point de vue qui s'inscrit dans la conscience de la mort.
du XVIIe siècle? En définitive, de quelle pratique culturelle relève-t-elle ?
Sur un sobre tapis à bouclettes, un assortiment impressionnant de téléphones mobiles, ordinateurs de poche et transformateurs est raccordé à une prise multiple formant avec les ombres, une composition en diagonale soutenue par une harmonie de gris, blancs, beiges et noirs. La légende fait allusion à la préparation d'un voyage en Finlande et spécifie une date et une heure, à la minute près.
I - ECHOS D'IMAGE
Le motif et la légende paraissent anachroniques par rapport à l'agencement visuel qui fait écho à des modèles picturaux familiers. La quasi monochromie de l'image rejoint celle des tableaux vieillis sous le vernis. On pense à l'intimisme sévère des natures mortes de vanité de J.D.de Heem où la lumière s'origine hors champ pour transcender l'étroitesse d'une vie matérielle, ici, bien nourrie, mais bornée par la multiprise qui longe le bord gauche de l'image. [ + ]
Vanitas
par Jan Davidsz de Heem
huile sur bois, 31X41cm
© Copyright Musée des Beaux arts de Caen
On croit reconnaître des affinités avec le cubisme de Picasso : [ + ]
La guitariste
Pablo Picasso, 1910
100 x 73 cm
© Copyright RMN
© Copyright Succession Picasso 2004
[ + ]
Tête d'homme au chapeau,
par Pablo Picasso, 1912-13
© Copyright RMN
© Copyright Succession Picasso 2004
le camaïeu, le contraste entre le micro-désordre des objet et une macro-composition vigoureuse, évoquent le cubisme studieux des années 1910-11. L'aplatissement perspectif obtenu ici par un point de vue plongeant qui redresse le plan de l'image, produit l'effet de profondeur comprimée propre au cubisme analytique. La coexistence de la texture très détaillée du tapis et des aplats des blancs et des noirs évoque les papiers collés du cubisme synthétique.
Enfin, on est tenté par un rapprochement avec ce tableau de Joachim Wtewael, Persée secourant Andromède, 1611, [ + ]
Persée secourant Andromède,
par Joachim Wtewael, 1611
© Copyright RMN
où les ondoiements tortueux trouvent un contrepoint dans le rayonnement des diagonales, promesse de liberté ou de mobilité. Ici, les coques brillantes des appareils échoués au sol font écho aux aveux de vacuité des crânes et des conques.
Mais ces analogies nous autorisent-elles à établir une filiation avec des œuvres historiques ? Et par quels détours ?
L'auteur n'est pas précisément un artiste. Joichi Ito [ + ]
Curriculum Vitae : http://radio.weblogs.com/0114939/outlines/cv.html
est un homme d'affaires de culture américano-japonaise qui dirige une importante société d'hébergement internet au Japon [ + ]
Infoseek : http://www.infoseek.co.jp/
. Si ce parcours explique son intérêt pour les outils de télécommunication représentés dans Charging up for Finland trip, il ne permet pas d'envisager une généalogie de l'œuvre en termes de sources d'inspiration ou d'apprentissages.
Ainsi, la profondeur comprimée de Charging up serait plutôt imputable au fait que la perspective axonométrique [ + ]
La perspective axonométrique
Utilisée depuis fort longtemps dans l'art japonais, cette perspective a d'abord intéressé les militaires occidentaux au XVIIème siècle, puis, à partir de la seconde moitié du XIXème siècle, avec la vague du "japonisme", les artistes modernes s'en sont inspirés pour relever le plan de l'image et se débarrasser progressivement de la ligne d'horizon et de la perspective centrale héritée de la renaissance.
est chose naturelle dans la culture visuelle japonaise . L'auteur, face au spectacle de ses appareils reposant à ses pieds, a pu reconnaître là un fait visuel digne d'intérêt. Ce point de vue, ajouté au constat de sa richesse et de son asservissement à la discipline du chargement des batteries avant un voyage, aura suffi à motiver l'acte photographique.
La part de hasard ou de contraintes techniques dans le choix de couleurs n'est pas à négliger non plus : les aplats de noirs et de blancs qui rappellent les papiers collés cubistes sont simplement dus à la qualité médiocre des téléphones-photo qui saturent dans les valeurs extrêmes. [ + ]
Saturation de noir et blanc des téléphones-photo
C'est le défaut de la plupart des appareils photo numériques. La courbe des gamma n'est justement pas courbe, mais toute droite, c'est une diagonale plus ou moins abrupte selon la qualité de l'appareil, donc les valeurs extrêmes de noir et de blanc saturent très vite.
La référence au cubisme est donc le résultat d'une rencontre fortuite mais c'est néanmoins ce qui rend l'image appréciable à nos yeux.
La banalisation des natures mortes en objets décoratifs bourgeois dans l'art des XIXè et XXè siècles, puis leur déclinaison massive par la publicité ont converti l'héritage des vanités [ ? ]
On peut définir comme vanités, toutes les œuvres qui interrogent la valeur de la vie depuis un point de vue qui s'inscrit dans la conscience de la mort.
en une survivance formelle dont les significations restent pourtant latentes. Mais les vanités ne se cantonnent pas au genre des natures mortes. [ + ]
Exposition et vanités
Pour ne rester que dans le cadre du XVIIe siècle qui a vu la naissance des natures mortes de vanités, il faut signaler l'exposition qu’organisaient le musée des Beaux arts de Caen et le Musée du Petit Palais à Paris en 1990. Cette exposition présentait autant de tableaux allégoriques (et même quelques portraits) que des natures mortes de vanité.
[ + ]
Mobilité et vanité
Ces propos de Louis Marin indiquent en quoi ces représentations de la mobilité de l'auteur laissent sur un fort sentiment de vanité :
"La succession, l'inconstance, le passage sont sentis comme autant d'épreuves de perte, de manque, comme l'identique creusement d'une même trace, comme le constant retrait de l'être. Loin de se multiplier en s'identifiant à tout, loin d'être doté d'une expansion infinie dans les êtres et parmi les choses, le moi, en réitérant sans cesse l'expérience de la fuite et de la métamorphose, découvre dans l'anéantissement, un espace qui ne lui est propre que d'en être constamment exilé". Louis MARIN, Les traverses de la Vanité, in catalogue de l'exposition Les vanités dans la peinture au XVIIe siècle, Ville de Caen (Musée des Beaux Arts), Ville de Paris (Musée du Petit Palais), 1990.
A leur façon, les photo-moblogs [ ? ]
Dans sa forme la plus condensée, c'est le résultat de l'usage combiné du moblog et du téléphone-photo. Le photo-moblog serait un album photo en ligne, classé selon une chronologie inversée, dans lequel la date et l'heure de publication des images correspondraient à peu de choses près à la date de capture des images. L'intérêt du photo-moblog est de pouvoir publier des images depuis n'importe quel lieu dans les minutes qui suivent leur prise de vue. Pourtant, ne serait-ce qu'en raison d'incidents techniques de connexion, aucun photo-moblog ne peut correspondre rigoureusement à ces caractéristiques. Par ailleurs, en se banalisant, le photo-moblogging est appelé à devenir une simple fonction supplémentaire dans l'édition d'un weblog. Les premiers photo-moblogs sont apparus au Japon et en Corée du Sud au tournant de l'année 2002/2003, aux Etats Unis, au printemps 2003, et en France en Juillet 2003.
investissent des aspects plastiques (instabilité des cadrages, mouvement, bougés, rapidité de production), des motifs (transports et déplacements, consommables) et des spécificités éditoriales (abondance, accumulation, défilement chronologique, fluidité) qui réactivent le propos des vanités.
II - MÉDIUM, CONTEXTE ÉDITORIAL ET NARRATION
La fluidité
La photographie présentée ici, est reproduite dans les mêmes format, résolution et médium numérique que sur le site dont elle a été extraite. Le poids assez réduit de l'image, [ + ]
Le poids de l'image
Le poids de l'image désigne son encombrement en nombre d'octets. Elle est plus ou moins proportionnelle (selon le taux de compression) à sa taille en nombre de pixels. Ici, l'image mesure 288X352 pixels et "pèse" 29 kilo octets, ce qui est assez léger. L'appareil utilisé par Joi Ito permet de faire des images plus grandes (maximum 1280 X 960 pixels) mais le dispositif de moblogging qu'il a choisi d'utiliser ne lui permet pas d'envoyer des images de cette taille. Le paramétrage de la taille d'édition et d'envoi des images dépend en partie des contraintes imposées par les prestataires de service en matière de connexion et d'hébergement, mais en définitive, il revient surtout à l'auteur de faire les choix qui privilégieront soit, le beau rendu en haute résolution (et les lenteurs qui en découlent), soit la fluidité, la réactivité, l'accessibilité, qui impliquent une moins bonne résolution.
associé à une combinaison de technologies permettant une publication immédiate sur le web, témoigne d'une série de choix qui, en privilégiant la fluidité des contenus, accepte en retour de précipiter leur obsolescence, mais aussi d'affecter un certain mépris pour la beauté persistante d'une image.
Si la mise en scène de la fuite du temps est présente dans la panoplie symbolique des vanités [ ? ]
On peut définir comme vanités, toutes les œuvres qui interrogent la valeur de la vie depuis un point de vue qui s'inscrit dans la conscience de la mort.
(sabliers, montres, éphémérides, spirale de l'épluchure d'un citron et bien sûr, la mort), c'est aussi sous un jour fonctionnel qu'elle est à l'œuvre dans les weblogs. Ainsi, la diagonale descendante qui barre la composition se laisse lire comme une annonce anticipée de la chute de l'image vers "l'enfer" des archives.
Le contexte éditorial du weblog
Joi Ito entretient plusieurs sites, dont un weblog. Le photo-moblog en est une partie, présenté comme un alpha-test. Joi Ito a réalisé un des premiers programmes permettant la mise en ligne des contenus par téléphone sans fil. Son photo-moblog est donc destiné à tester ce programme et recueillir des suggestions d'amélioration. Il sert aussi à montrer le bon fonctionnement d'un des services offerts par son entreprise d'hébergement. [ + ]
Le programme testé par Joi Ito
Ce programme, écrit en Python, a été mis sous licence GPL dès le mois de Décembre 2002. Il est offert à la communauté de façon à ce que chacun puisse se l'approprier, l'améliorer, et fasse profiter les autres des améliorations apportées. (http://joi.ito.com/archives/2002/12/26/mail2entry_script_for_mt_moblog.html). Le business model de joi Ito ne repose pas sur la propriété exclusive d'un programme, mais sur l'avance technologique de son entreprise d'hébergement, et sur l'instauration d'une bonne réputation (innovation, don de l'innovation, et en retour de ce don, amélioration régulière de la technologie, donc fiabilité et excellence des services qui profitent des dernières mises à jour).
Dans le photo-moblog, les photos s'alignent deux par deux sur un fond blanc.
Chacune est assortie d'un titre, d'une date, d'une heure d'envoi, d'un lien vers un champ de commentaires et d'un lien pour le champ des rétro-liens [ ? ]
(ou track back)
Le rétro lien permet de signaler à l'auteur l'adresse d'un site qui pointe vers l'article ou l'image en question.
.
Les images, que Joi Ito met un point d'honneur à envoyer en temps réel, nous livrent des indices irréguliers et lacunaires sur ses fréquentations, ses menus, ses déplacements. Ce qui le distingue de la majorité des moblogueurs, c'est le soin porté aux cadrages, et la publication d'une grande quantité de portraits posés, dont on sent qu'ils ont été faits avec le consentement du sujet. En définitive, ce photo-moblog permet de cerner assez bien la personnalité de son auteur.
Bribe narrative et mobilité
Charging up... est le point de départ d'une petite séquence de photos qui esquissent un récit . C'est une des rares fois où l'on voit Joi Ito s'engager dans une telle tentative. La suite montre sa compagne Mizuka au volant, puis le navigateur de bord de la voiture, puis une image tremblée du compteur de vitesse qui affiche 180kmh, et enfin deux photos du repas pris sans doute au restaurant de l'aéroport. Vues dans l'ordre chronologique ces images composent un mouvement narratif : préparatif, départ, schéma de la route, accélération de l'action, et repas qui tient lieu de dénouement provisoire des tensions. Le mouvement est exprimé par l'image tremblée du compteur et le titre prosaïque We're in a hurry.
Là où nous avions pu reconnaître le constat désenchanté du rituel des chargements de batteries, il y a lieu de voir aussi le moment d'un élan vers de futurs transports, ceux qui mèneront Joi Ito via le ciel jusqu'en Finlande. Un Aby Warburg aurait déjà reconnu dans les formes serpentines des fils électriques qui rampent sur la moquette, les signes annonciateurs d'une célébration de la mobilité. [ + ]
Les analyse d'Aby Warburg sur les torsades des chevelures, les drapés sinueux des vêtements, dans Le printemps et La naissance de Vénus de S. Boticcelli, in Essais Florentins, présentation par Eveline Pinto, Paris, L’esprit et les formes, Klinksieck, 1990, pp 53 à 100. Voir aussi, Philippe-Alain Michaud, Aby Warburg et l'image en mouvement, Paris, Macula, 1998
La construction décousue du photo-moblog, le fait qu'il s'édifie par l'addition de présents immédiats, exacerbe le sentiment de la mobilité. Joi Ito nous donne presque l'impression d'être doué d'ubiquité, il est difficile pour le visiteur, même en faisant des recoupements avec son weblog, de reconstituer le fil de ses déplacements.
Les photo-moblogs [ ? ]
Dans sa forme la plus condensée, c'est le résultat de l'usage combiné du moblog et du téléphone-photo. Le photo-moblog serait un album photo en ligne, classé selon une chronologie inversée, dans lequel la date et l'heure de publication des images correspondraient à peu de choses près à la date de capture des images. L'intérêt du photo-moblog est de pouvoir publier des images depuis n'importe quel lieu dans les minutes qui suivent leur prise de vue. Pourtant, ne serait-ce qu'en raison d'incidents techniques de connexion, aucun photo-moblog ne peut correspondre rigoureusement à ces caractéristiques. Par ailleurs, en se banalisant, le photo-moblogging est appelé à devenir une simple fonction supplémentaire dans l'édition d'un weblog. Les premiers photo-moblogs sont apparus au Japon et en Corée du Sud au tournant de l'année 2002/2003, aux Etats Unis, au printemps 2003, et en France en Juillet 2003.
dénotent fortement le temps et la mobilité, mais la construction narrative qui permettrait de donner sens et direction à la vie qui s'y décrit est quasi-impossible. Le photo-moblog se prête mal à l'exposé d'un devenir, d'un destin, d'une quête ou d'un projet. Ce qu'une image seule peut parfois faire, le photo-moblog le défait.
III - PUBLICITÉ ET INTIMITÉ-MARKETING
Peut-être Joi Ito est-il fier de publier la photographie de sa panoplie de gadgets électroniques et trouve même un intérêt personnel à en faire la promotion mais cela ne fait pas pour autant de cette photographie une publicité. [ + ]
Publicité et interruption marketing
Dans sa forme la plus classique et la plus perceptible, la publicité relève de ce que l'on appelle de "l'interruption marketing", c'est à dire des formes de publicité qui interrompent l'attention du public, soit par des images choc, soit par des spots publicitaires, des encarts, des pop-up, des pourriels, des envois en nombre, des coups de téléphone, bref, des messages assénés, subis, et non sollicités. A l'inverse, le "permission marketing" recherche le consentement du consommateur à être interrogé, informé, et à devenir lui même un relais vers d'autres consommateurs. Le "permission marketing" joue sur la construction et la fidélisation d'un réseau de personnes
Seth GODIN, Permission Marketing, les leçons d'internet en marketing, Editions Maxima, 2000.
Distingue-t-on une marque particulière ?
En outre, quelle publicité nous montrerait ces objets dans leur état de dépendance à une connectique dont on sait qu'elle est si mal standardisé que chaque modèle doit s'assortir de ses propres entraves ? Assurément aucune. Tous les discours ou images promotionnels concernant les communications mobiles vantent au contraire l'autonomie, la mobilité du produit. Tous les discours ou images promotionnels concernant les communications mobiles vantent au contraire l'autonomie, la mobilité du produit. Cette lucidité relève plus du propos des vanités [ ? ]
On peut définir comme vanités, toutes les œuvres qui interrogent la valeur de la vie depuis un point de vue qui s'inscrit dans la conscience de la mort.
; songeant aux natures mortes flattant la beauté de quelque fleur sur le point de se faner ou qui caressant la plénitude d'un fruit guetté par un minuscule insecte.
Contrairement aux publicités qui font ressortir le produit sur des fonds neutres ou flous pour stimuler le sens tactile du regardeur, l'image de Joi Ito présente les objets dans un désordre qu'il faut chercher à démêler avant de songer à s'en saisir. Cet étalage des outils du moblogueur rappelle aussi un des sous genres des natures mortes de vanité, présentant avec un art du trompe l'œil poussé à l'extrême, les outils du peintre dans un exposé très ambivalent de son savoir faire.
Pour peu, cette photo passerait pour une contre publicité ! Au lieu de propulser l'image d'un produit à la face du regardeur, elle l'absorbe dans les replis ombrés de l'arrière plan. Le tapis retient fortement l'attention alors que sur les appareils et les fils, le fort contraste des blancs et de noirs comme les reflets de lumière sur les coques brillantes ont produit des effets de saturation gommant les détails.L'œil glisse sur ces aplats comme l'eau caresse les galets affleurant à la surface d'un torrent pour s'enrouler aussitôt dans le gravier et la vase du fond. Ce tapis nous concède une part d'intimité rampant insidieusement dans l'ombre pudique du triangle occupant le coin supérieur droit et nous attire à la recherche de mystérieux recoins.
Poussière dans le tapis, minuscules acariens affairés parmi les fibres, rumeurs et chuchotements, à bas bruit, nous entrons dans les rets du buzz-marketing, [ + ]
Karim B. STAMBULI & Eric BRIONES, Buzz marketing, les secrets du bouche à oreille, Editions d’Organisation, 2002
ou marketing viral, [ + ]
Seth GODIN, Les secrets du marketing viral, Editions Maxima, 2001
celui qui se fait par le bouche à oreille, par la confidence et la relation de confiance entre usagers, par témoignages personnels en chaîne pour tirer le meilleur parti des nouvelles technologies.
Pendant ce temps, les batteries se rechargent, les fils se tortillent, et le flux nourricier continue à dispenser son électrique sève.
Licence d’utilisation de l’article : creative commons by + sa 2.0, http://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/legalcode
Problème de choix dans l'étude des photo-moblogs
Jusqu'à peu, les auteurs de photo-moblogs [ ? ]
Dans sa forme la plus condensée, c'est le résultat de l'usage combiné du moblog et du téléphone-photo. Le photo-moblog serait un album photo en ligne, classé selon une chronologie inversée, dans lequel la date et l'heure de publication des images correspondraient à peu de choses près à la date de capture des images. L'intérêt du photo-moblog est de pouvoir publier des images depuis n'importe quel lieu dans les minutes qui suivent leur prise de vue. Pourtant, ne serait-ce qu'en raison d'incidents techniques de connexion, aucun photo-moblog ne peut correspondre rigoureusement à ces caractéristiques. Par ailleurs, en se banalisant, le photo-moblogging est appelé à devenir une simple fonction supplémentaire dans l'édition d'un weblog. Les premiers photo-moblogs sont apparus au Japon et en Corée du Sud au tournant de l'année 2002/2003, aux Etats Unis, au printemps 2003, et en France en Juillet 2003.
étaient souvent des passionnés de technique, de recherche marketing, ou de jeu et plus rarement des journalistes ou des artistes. En explorant les possibilités de leur dispositif, les testeurs sont bien souvent amenés à travailler au plus près des spécificités du médium. La plupart dépassent très vite les standards de la photographie amateur qui s'attache aux reliefs marquants de la vie pour laisser libre cours au tout venant, à ce qui se présente au jour le jour.
Ce sont donc ces photo-moblogs que nous avons cherché à sélectionner. Si les critères étaient faciles à définir (usage exclusif du téléphone-photo, assiduité, rigueur dans la chronologie des publications) leur vérifiabilité s'avère beaucoup plus hasardeuse. Il nous a fallu souvent rechercher et recouper nombre d'indices permettant d'acquérir la conviction qu'un photo-moblog correspond peu ou prou à ces critères.
Méthodes d'analyse
Bien que les assises techniques, économiques et sociales du photo-moblogging soient encore mouvantes, tout porte à penser qu'il aura des implications intéressantes dans les pratiques culturelles et artistiques, comme dans les métiers de l'information. Un tel sujet mériterait une approche qui, à l'instar du chemin emprunté par Aby Warburg, [ + ]
Georges Didi-Huberman, L'image survivante. Histoire de l'art et temps des fantômes selon Aby Warburg. Paris, Éd. de Minuit, coll. Paradoxe, 2002
traverse différents champs de compétence. Il nous faudrait faire appel à des concepts et méthodes d'analyse provenant d'horizons aussi variés que la poïétique ou le marketing, l'iconologie, la technologie, l'esthétique, l'ergonomie, les théories sociales ou la sémiologie. Que le lecteur me pardonne s'il ne m'est pas donné de maîtriser un si grand éventail de connaissances. Mais s'agissant de l'interprétation d'une pratique dont le champ d'application ou d'influence est loin d'être figé, il paraît préférable d'encourir les reproches des spécialistes que de négliger les leçons d'un L. Wittgenstein [ + ]
L. Wittgenstein, Le cahier bleu et le cahier brun, pp.113-145, éditions Gallimard, 1965
qui élargit la compréhension d'une proposition à son contexte d'énonciation, ou ceux d'un N. Goodman qui conçoit que le sens d'une œuvre puisse se construire, non seulement à travers différents systèmes de déchiffrage, [ + ]
N. GOODMAN & C. ELGIN, Esthétique et connaissance, pour changer de sujet, pp.88, 89, éditions de l’Eclat, 1990
mais aussi à travers son fonctionnement et ses activations. [ + ]
N. Goodman, L’art en théorie et en action, éditions de l’Eclat, 1996
Cette étude n'est donc qu'une première esquisse qui demanderait à être étayée et développée.